Comparaisons et calomnies






On ne mesure pas assez ni la gravité de la situation, ni l’ampleur de la mobilisation.

Hémisphère nord, on ferme les yeux sur des comportements ouvertement racistes, des propos assurément islamophobes, mâchés et déversés ni plus ni moins que par des personnalités politiques sur des chaînes de grande audience. En somme, portes grandes ouvertes et tapis rouges déroulés au nom de la liberté d’expression, ce poncif auquel les mêmes ont toujours recours, comme une dernière carte dans la manche à court d'arguments, à dégainer à chaque malentendu de plateau télé et autres conseils régionaux.

Mis à part le fait - connu de tous - que cette polémique n’a pour seul objectif de détourner l’attention des réelles préoccupations d'État, elle place le curseur sur le châtiment acharné et infondé de cette tristement célèbre mère de famille. En définitive, elle reçoit une double punition : celle de la violence verbale et psychologique subie dans ce qui incarnerait une des institutions laïques et démocratiques de cet État, et celle du déchaînement médiatique et politique qui lui est réservé, sans fondement aucun si ce n'est celui d'un appareil médiatique au service du sensationnalisme. Elle passe de victime à coupable. Si l'image en soi révolte, la boule de neige audiovisuelle qui s'est créée, notamment autour de l'identité de la personne et de ses choix personnels (de quel droit?) est d'autant plus grave: elle nous rappelle que l'accaparation du sujet le transformant en affaire d’État, ne sert que les profanateurs de sempiternels amalgames, obstruant tous les autres débats à l'ordre du jour – et même celui de l’immigration, c'est dire ! –, pour finir comme projet de loi, à peine quelques jours tard. Qui a dit que le processus législatif était long en France?

Puisque l'heure est aux rappels pléonastiques, l’islamophobie n’est pas une opinion, c’est un délit.


Et pendant qu'on pointe du doigts les femmes voilées dans les institutions politiques, qu'on appelle à signaler les musulmans "suspects" (au nom de quels critères? Pileux? Tactiles? Vestimentaires? Gastronomiques?) et qu'on propage des documents Excel de très mauvais goût, de l'autre côté de la Méditerranée, femmes et hommes travaillent ensemble et avec endurance pour ne pas suivre ce chemin (qu'on a longtemps présenté comme étant occidental, comprendre, exemplaire, saisissez l'ironie) et créer une voie démocratique respectueuse et enrichissante. Au rythme de rendez-vous hebdomadaires, ils représentent des pourvoyeurs de lumière, avec les clés de ce qui semblait être une forteresse sans issue.

Comment se fait-il que cette infatigable mobilisation passe sous silence, à la trappe médiatique alors qu'elle atteint son apogée chaque semaine et son journal de bord ne cesse de gagner en témoignages pacifiques? Silence: une révolution est en cours, et la parole s'est libérée mais pas propagée ; n'allons pas déranger le (ex)-colon, trop occupé à la mépriser, du haut de sa Tour de Babel, qu'il a encore du mal à assumer.

Voilà pourquoi les comparaisons, très souvent euro-centrées et exemptées de contextes socio-historiques, n'ont pas leur place dans cette révolution sociale qui devrait plus nous faire réfléchir sur des nouvelles initiatives plutôt que des calques occidentaux ratés. 
Voilà pourquoi aussi, il est temps de faire une sérieuse auto-critique des décisions gouvernementales et médiatiques françaises, qui portent plus atteinte aux droits des sempiternels souffre-douleurs (présentés comme victimisés), perpétrées par les mêmes donneurs de leçons.

Agissons avec bon sens. Mettons le doigt sur les cas à dénoncer et punir, et réjouissons-nous des victoires accomplies et de celles à bâtir.
Il suffit juste de ne pas confondre les deux. 

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